POLYPHONIES VOCALES

Dès mes tous premiers travaux, les choses de la voix ont naturellement rencontré les choses de la foi. L’écriture polyphonique a cappella m’apparaissait alors comme un espace d’expérimentations “chimiquement” pur. Un espace de libertés où pouvaient se définir et s’affiner toutes les projections spirituelles, harmoniques et poétiques. Cependant, le souffle spirituel qui stimule le processus créatif a sa volonté propre et j’ai voulu le servir sans entrer en résistance contre lui. Ecrire, composer, modéliser, fixer et développer des idées… autant le dire : je n’ai pas maîtrisé grand chose. Au mieux ai-je appris à m’abandonner au travail du Saint-Esprit, en apprenant le lâcher-prise au gré des vents favorables. En laissant de fait les transports prophétiques engendrer ce qu’il y a à engendrer.

En point d’orgue de cela, je ne chercherai même pas à justifier ou expliquer le souffle de vie irradiant qui me traversa tandis qu’au coeur de l’été 2025, dans une embrasure de lumière extrême, se dressait une sorte de Menorah polyphonique. Totalement dépassé par les événements, j’ai accueilli Icons tel un chandelier musical à sept branches posé à la croisée des chemins, entre paix et vertige, entre passé et avenir, entre terre et Ciel. Là où jaillit un Amour incommensurable et indescriptible.

Deux mois et demi plus tôt, ce qui allait devenir The Enclosed Garden n’était alors qu’un tout petit bourgeon polyphonique, écho à quelques improvisations hasardeuses, germées dans la douceur littéraire du Cantique des Cantiques… Et puis le développement naturel du récit musical a engendré un petit jardin luxuriant de 7 numéros… C’était l’occasion de m’approcher du grand jardin spirituel passionné et fondamental, tel que décrit dans la Torah. Car, à l’évidence, le magnifique jardin du Cantique des Cantiques n’est pas sans rappeler l’Eden de Genèse. Un sanctuaire d’Amour et de liberté, propice aux rêveries, tantôt lumineuses et éthérées, tantôt plus ombragées, voire claires-obscures. Tout au long de ce cheminement entre désir et retenue, les sonorités du vieil anglais biblique de la version King James ont été une matière première inspirante. A même de me mettre en mouvement dans l’energie du madrigalisme ancien autant que dans celle des motets de la fin du XXème.

Dans le prolongement de The Enclosed Garden, le second cahier de l’opus 13 est un petit carnet de voyage. Une échappée obsessionnelle et onirique tandis que je m’évadais à l’improviste sur des routes caniculaires du Grand Est, au milieu des champs d’éoliennes et des vastes territoires agricoles. Tale of a Summer Road met en musique six courts extraits du livre de l’Ecclésiaste. Autour du piano se déploient librement un ténor soliste et une nuée de voix féminines sans texte, au timbre à la fois rugueux et fantomatique.

A l’été 2025, j’ai pu mesurer, avec un certain vertige, tout le chemin accompli. Songeant de fait que, 25 ans après Requiem, mon premier opus, la boucle était pour ainsi dire bouclée…

Car, à la fin des années 1990, j’étudiais avec intérêt les processus de musique répétitive : mécanismes d’imitations par plans sonores, déphasages, etc. Je cherchais des chemins structurels à même de redéfinir la notion traditionnelle de ‘thème’ et ‘d’harmonie’. Je cherchais à m’éloigner d’un traitement strictement mélodique et à expérimenter des textures sur la base des matériaux textuels.

Le deuxième opus est un petit cahier de motets qui témoigne de façon éclectique des aspirations esthétiques qui surgissaient sur la fin de mes années d’études, à Nancy. J’ai eu le privilège d’enregistrer ces travaux avec le soutien de la Région Lorraine et l’aide active d’amis chanteurs, en l’occurence l’ensemble vocal “Expressions” dirigé par Nicole Schneider.

Fruit d’une commande par le choeur “La petite Fugue” de Luxeuil-les-Bains dirigé par Pierre-Yves Martin, Carmina Burana Fragments m’a conduit à revisiter intimement les grands modèles polyphoniques médiévaux. L’occasion de réfléchir en profondeur à la mise en espace des sons et à la définition du temps musical. L’oeuvre à été créée au printemps 2007 dans la célèbre Chapelle Notre Dame du Haut, dite “Le Corbusier” de Ronchamps. Un moment acoustique et humain inoubliable.

Une pièce de concours en 2009, sur un sujet imposé, à savoir un extrait de la Divine Comédie de Dante.

Hanté par quelques fantômes des écoles françaises du XXème Siècle (Poulenc, Messiaen, Duruflé…) j’ai laissé monté ce cri intime au moment de la crise des gilets jaunes.

Un cycle de 9 pièces pour choeur a cappella, conçu à partir du texte de l’Evangile de Matthieu, chapitre 5, dit les Béatitudes