DERNIERES MELODIES FRANCAISES

Une remarque dans la bouche d’un professionnel du monde culturel est restée gravée en moi : “Sérieusement, tu penses vraiment que le truc réac d’un vieux mâle blanc ça va intéresser quelqu’un dans ce métier ?” Sérieusement ?… Non, Monsieur. Et si s’ajoute à mon profil “Education Nationale” , “culture française” et “Jésus” j’ai bien compris que dans l’espace intersectionnel contemporain, mon cas apparait éminemment problématique. En vérité, je l’admets : objet d’une assignation à résidence, mon sort est scellé. Finalement, j’ai bien compris que la question n’est pas d’évaluer ma démarche, mes compétences ou ma musique – tout le monde ou presque se fiche de la musique – la question c’est d’évaluer mon image au regard des stéréotypes cardinaux de mon temps. Dans ce climat, les théories douteuses, pour tristes et desséchantes qu’elles soient, ont paradoxalement eut un grand mérite au fur et à mesure des années : elles ont fermement accru mon patriarcal désir de m’attacher à ce qui est vraiment vrai, vraiment profond et vraiment noble.

Au début du mois d’août 2023, tandis que le soir tombait sur une France aux allures de poubelle et que, fatigué par l’air du temps, je vagabondais en famille entre deux sorties d’autoroute, j’ai reçu la conviction de cet ouvrage. Et – une fois n’est pas coutume – j’ai entendu distinctement un titre au creux de l’oreille. Muni de quelques fragments poétiques et à l’aune de pas mal de solitude intellectuelle à l’horizon, le “vieux mâle blanc” s’est donc affairé à remettre sur le métier un énième “ truc réac”, avec le sentiment étrange et paisible que quelque chose allait s’achever là.

Dernières Mélodies Françaises est arrivé dans une grande paix, comme une échappée toute en douceur sur le crépuscule des choses. Comme une ultime étreinte sur le quai d’une gare désertée, juste avant que ne s’éloigne le train, emportant avec lui les dernières tendresses de la Grande et de la petite histoire, celles du monde ancien en cours d’effacement durable. Concours élégant et inattendu de circonstances au hasard d’un été, écho d’une improbable soirée à la maison des gardes de Cluny, signifiant artistique et prophétique – cathartique – au carrefour des saisons… Un truc de vieux mâle blanc réac en somme, pour saluer tout ce qui fut si intensément reçu et que l’on doit ultimement laisser s’envoler.